Tes bras sont croisés, au dessus de ton pull épais, c’est à peine si tes yeux dépassent de ton col, pouvant apercevoir ton écran noir. Il était beaucoup trop tôt pour toi, et l’air qui n’était pas si fraic de ses 15 degrés te faisait frissonner. Tu ne supportes pas le froid. Tu étais toujours la dernière à retirer ton manteau avant l’été. Une secousse agite tes doigts. Le nom du brun que tu attendais depuis 10 minutes s’affiche pour t’informer qu’il est sur le point d’arriver. C’est pas trop tôt. Tu tournes en rond, occupant un peu ton esprit, les quelques minutes qui te séparent de sa présence. Tu distingues sa silhouette, au loin. Rien de bien complexe puisqu’à 6h du matin, les rues étaient relativement vides. « Yo Matoche. » Un sourire accompagne une tape amicale sur son épaule. Surnom qui lui colle à la peau depuis votre rencontre, il n’a jamais réussi à s’en défaire. « J’ai pris du fond de teint pour cacher ta sale gueule du matin. Histoire que tous les regards ne soient pas focalisés sur moi. J’te laisse ta chance. » Tes mains s’agitent au rythme de tes mots. Ta voix est sans doute trop forte. Mais tes origines espagnoles ne coulent pas que dans tes veines, c’est toute une aura hispanique qui t’entoure. Matz, tu le connaissais depuis trop longtemps pour ne pas deviner ses yeux fermés par la fatigue avant même de l’observer.

Ton doigt presse le bouton avec insistance de la sonnerie du studio. Un bruit aussi strident que ta voix. La porte s’ouvre, et tu rentres avec tout l’entrain du monde, trainant l’acteur par le blouson. « Hey! » Tu salues beaucoup plus poliment le Youtubeur qui vous accueille, claquant tes joues contre les siennes. Le jeune homme remercie chaleureusement la venue de Matz, peut être un peu trop à ton goût. Parce que tu n’avais pas le même regard que ton collègue sur la personne. Matz, c’était toujours ce mec qui puait la clope et la frite. Les banalités échangées n'ont pas duré bien longtemps. Il rentre dans le vif du sujet bien assez rapidement. « Bon. Je ne veux pas vous presser mais, j’ai pas mal de vidéos à tourner aujourd’hui. On s’y met? » La caméra installée, le décor déjà planté, tu t’installes sur un fauteuil face à l’objectif, disposant d’un magnifique buzzer devant toi. Que tu t’amuses à tester avec vigueur d’ailleurs. Pour être vraiment sûre qu’il fonctionne. Tu pointes du doigt d’un mouvement théâtral ton ami, déclarant dans une intonation familière « Je te veux dans mon équipe. » T’étais rodée pour The Voice. En tant que coach. Critiquer tu savais le faire depuis 10 ans. C’était un métier qui te sied aussi bien qu’un de tes costards sur mesure. Mais chanter, ton chien avait un hurlement plus mélodieux que toi. Un rire léger traverse la frontière de tes lèvres, te mettant à l’aise en retirant la laine qui t’encombre. Tenue beaucoup plus féminine, tes jambes s’installent en tailleur sur ton siège. Votre hôte appuie enfin sur le bouton qui lance le jeu. Après son introduction habituelle, il vous présente à votre tour, te décrivant comme une Youtubeuse que la plupart connaissaient et Matz comme l’acteur de cette série si populaire. T’adresses un signe à la caméra, perdant ce côté enfantin en une fraction de secondes. « Yo la gente. » Phrase issue d'une routine que tu imposait à chaque introduction tes vidéos. Tu n'avais pas un anglais parfait lorsque tu as commencé. Alors c'était comme une marque de tes débuts. Une marque des tes origines si importantes à tes yeux. Tu étends un sourire, le perdant rapidement en lançant le thème du quizz. Le Venezuela. Et merde. Tu n'as aucune idée d'où cela se trouvait. Tu ne savait même pas s'il s'agissait d'une ville ou d'un pays.