01. Je viens d'un petit pays qu'on appelle le Guatemala, j'aimerais préciser de suite que ce n'est pas une île perdue dans l'Océan Pacifique et que même si on a nos problèmes j'aime ma contrée plus que tout au monde. Enfin, c'est surtout ma famille que j'aime, parce que okay c'est vrai que j'ai quitté mon pays dès que j'ai pu, néanmoins je n'apprécie pas qu'on le dénigre. Ma famille me manque et il me faut régulièrement rentrer à la maison pour me souvenir d'où je suis et pour que ma mère me tire les oreilles parce que j'ai parfois du mal à retrouver mes mots espagnols, mais je suis plutôt heureux à l'idée de pouvoir gagner de l'argent pour leur rendre la vie meilleure. Oh, et être le fils prodige c'est super cool aussi, je suis le centre de l'attention lors des mariages de mes cousins que j'aime pas trop, ça fait plaisir.

02. Je rêve de cinéma depuis tout petit, j'ai été élevé aux télénovelas mexicaines et je me suis fait mon adolescence sur les chefs-d'oeuvres américains. On m'a offert une caméra pour mes quinze ans, et c'était parti pour moi. Je me suis vite vu réalisateur, ou producteur. J'ai travaillé après le lycée, pour économiser pour pouvoir partir vivre le rêve américain.

03. J'avais 20 ans lorsque j'ai débarqué à Los Angeles, des rêves plein la tête. J'ai fait une école de cinéma, best years of my life au passage, puis je me suis retrouvé à 25 ans sur une téléréalité. Au départ, je me suis dit que c'était temporaire, de quoi payer mon loyer et me créer des contacts. Je voulais changer le monde, réaliser des documentaires montrant une réalité noire dans les quartiers défavorisés et les pays pauvres. Le temporaire est devenu permanent, par facilité. Les codes de la téléréalité sont faciles à comprendre, les gens veulent de la télévision poubelle pour se sentir mieux par rapport à eux-mêmes.Easy peasy, people are garbage anyway.

04. Je suis bon dans ce que je fais. Les gens ont confiance en moi parce que j'ai une tête sympathique et des belles paroles, et que ça suffit pour les amadouer, les manipuler et avoir de bonnes images télé. Je suis une garce, je le dis et je le revendique. Cela ne fait sans doute pas de moi une belle personne mais peu importe, ma maman est très loin de moi et ne sait pas vraiment ce que je fais.

05. J'ai peut-être éventuellement un peu développé un complexe de dieu au fil du temps, à toujours manipuler les gens pour obtenir ce que je veux. J'ai même suivi des cours de psychologie pour être encore meilleur à ça, pour comprendre les mécanismes de l'humain et surtout comment en jouer... J'aime avoir le pouvoir sur les personnes, que je vois parfois plus comme des moyens qu'autre chose. Avant que vous ne me jugiez, je le répète : je suis une garce. I own that.

06. Forcément, les gens pensent que je suis un monstre. Je préfère penser que la vie, c'est une jungle et que chacun fait ce qu'il peut pour s'en sortir. Mes relations avec les autres sont un peu compliquées, sans grande surprise. Je suis assez proche de mon équipe de tournage, de mes collègues avec qui je travaille inlassablement depuis quelques années maintenant. On a l'habitude d'évoluer ensemble, on est une petite famille de garces. En dehors de ça, je reste quelqu'un de plutôt très sociable. J'aime assez évoluer dans le monde mondain des gens fortunés qui ont réussi, j'y trouve un plaisir raffiné, mais j'aime encore plus évoluer dans le monde des inconnus, des gens qui cherchent simplement à s'en sortir sans trop de bavures. Il m'arrive souvent de traîner dans des bars, moins des discothèques parce que je me fais vieux et le simple fait que je dise encore discothèque le prouve. J'aime bien être un inconnu, ne pas avoir le jugement des autres à cause de mon métier, apprendre à découvrir d'autres inconnus le temps d'une soirée, parfois d'une nuit, et en reste là.

07. Je suis bisexuel, mais si vous voulez mon avis c'est une erreur de parcours et en vérité je suis gay. J'apprécie beaucoup la gente féminine, mais le temps d'une nuit. Max. Je ne me vois absolument pas faire ma vie avec une femme, je n'ai d'ailleurs jamais eu de relations sérieuses qu'avec des hommes. Ce qui est amusant, c'est que les candidates des émissions que je produis essaient parfois de me séduire pour rester à l'antenne. Malheureusement, ça ne fonctionne jamais.

08. Ma vie sentimentale n'est pas folichonne. Comme pour mes relations habituelles, ma profession et la personne que je suis, à savoir un abruti plutôt très imbu de lui-même et prêt à tout pour réussir, ont du mal à trouver un prince charmant tolérant. J'ai déjà eu l'occasion de sortir avec des hommes parfaits, avec des sourires colgate et du genre à voler en Afrique pour lutter contre la faim dans des milieux défavorisés, ainsi que des hommes comme moi, des abrutis de première souvent plus attirés par les numéros sur leur compte en banque que par les sentiments de chacun, mais ça n'a jamais vraiment marché. Un jour, peut-être. Ce n'est pas que je commence à désespérer, mais c'est quand même un peu que j'ai peur de la quarantaine et de finir vieux avec des chats. M'enfin, j'essaie de me rassurer que au vingt-et-unième siècle, Tinder fonctionnera même pour les vieux décrépis de 90 ans.

09. En plus d'être un surdoué du petit écran (mais si vous y croyez), je suis plutôt doué avec une guitare et des chansons folks. J'ai pour ambition personnelle de monter un petit groupe de musique un jour, à la The Lumineers, mais dès que je pense à chercher des copains une flemme immense m'envahie et le projet cesse là. Ma relation avec la musique, en production du moins, s'arrête à mes amis qui m'entraîne au karaoké où les scènes ouvertes l'été. Un jour. Quand j'aurai 91 ans et que même Tinder ne voudra plus de moi, pour m'occuper.

10. Même si j'ai laissé de côté mon rêve de faire des films qui changent des vies pour la téléréalité, j'y goûte toujours en réalisant quelques courts métrages, généralement lorsque je suis en vacances et que je voyage. Je fais aussi plus régulièrement des films pour des chansons, des trucs artistiques qui veulent dire quelque chose avec des chansons d'artistes pas connus qui veulent dire quelque chose. Clairement, je vomis sur les clip des Despacito et compagnie où on réduit la femme à un corps et les relations humaines au sexe. Dans le fond, je suis un sensible type poetic lover torturé, mais j'ai une réputation à tenir alors on se tait, merci.